Les 12 pierres blanches de Mirleft

Les 12 pierres blanches de Mirleft

Ma première rencontre avec l’Astrologie se fit à travers l’horoscope d’Elisabeth Teissier sur un hebdomadaire de programmes télévisés. Bien que ces analyses décan par décan soient forcément réductrices, on pouvait saisir en filigrane la trame invisible de ce que les astres semblaient révéler. Mais ce fut un voyage initiatique de trois mois au Maroc qui planta en moi les graines de ce qui allait devenir une passion et un chemin de vie.
Dans les années soixante dix, beaucoup de jeunes décidèrent de rompre avec ce qu’ils nommaient « le système ». Ils ne se reconnaissaient guère dans le monde de compétition et de consommation que leur proposaient leurs aînés. Ces prises de conscience les amenèrent à voyager un peu partout dans le monde, et tout particulièrement dans les pays comme l’Inde et le Maroc. Il leur fallait « se déconditionner » et « revenir aux sources » comme ils le disaient. C’est ainsi que je pris part à mon premier voyage sur un autre continent que l’Europe et son mode de vie occidentalisé, en compagnie de mon frère et de deux amis passionnés d’ésotérisme et de musique.
Après plusieurs jours de route dans une « deux chevaux » qui avait beaucoup de peine à supporter le poids d’une cinquantaine de livres d’ésotérisme et de sagesse orientale, une tempête de neige dans les montagnes de Ketama et des péripéties dignes d’une histoire de Tintin, nous arrivâmes enfin dans le Sud du Maroc, dans ce village de Mirleft situé entre les roches abruptes de l’océan et les dunes du désert mauritanien.

A l’époque, Mirleft ne comptait que deux hôtels et la majorité des touristes étaient des hippies. Comme nous, ils venaient dans ce village du « bout du monde » pour y trouver la paix et réapprendre à vivre en toute simplicité. La première maison à l’entrée du village nous avait séduits et le soir même nous y avions emménagé, dormant à même le sol sur des nattes en paille tressée. Dès le lendemain, nous avons visité la région et nous sommes tombés sous le charme de ces paysages bibliques, ces habitants si sympathiques et ces magnifiques oasis.

Les 12 pierres blanches de Mirleft
L’oasis de Mirleft avec l’océan, au loin

Nous passions nos journées à lézarder au soleil, à refaire le monde autour d’une pipe de « kif », à jouer de la musique pendant des heures et à dévorer nos livres d’ésotérisme et de mystique orientale.
Comme nous n’avions pas l’électricité et que les soirées à la bougie ne parvenaient pas à éclairer suffisamment les murs de terre, j’avais décidé de les peindre en blanc. Une tâche des plus ardues à cette époque où le seul pinceau que je parvins à trouver était un manche à balai auquel étaient attachés sommairement quelques bouts de tissus. Je vous laisse imaginer dans quel état j’étais à la fin de la journée, d’autant que la peinture employée était de la chaux! Mais les murs étaient bien blancs (le sol aussi).
Le jour suivant, j’achetai une boîte de craies de couleurs au bazar du village et entrepris de décorer ces murs immaculés selon l’inspiration du moment. C’est ainsi qu’un magnifique « Aum » apparut dans la pièce centrale, suivi par d’autres motifs mystiques que mon frère et mes deux amis dessinèrent le soir même.
Tous les européens de Mirleft défilèrent dans les jours qui suivirent, et chacun y alla de son dessin, de sa vision mystique ou de son message de paix. Notre propriétaire fut tellement ravi de la décoration qu’il me demanda d’effectuer une fresque (discrète, précisa-t-il) dans la salle à manger de sa propre maison. En échange, sa mère m’apprit à construire un four à pain avec de la simple paille et de la boue. J’ai encore dans les narines l’agréable odeur de la première galette qui en sortit, et je garde en souvenir son sourire plein de gentillesse…
Comme il me restait un peu de chaux, j’étais monté sur le toit de notre maison et j’avais peint en blanc les pierres qui ornaient les murets. Mon travail terminé, j’avais remarqué que ces pierres étaient au nombre de douze, comme les signes du Zodiaque. Je pensai intérieurement qu’elles seraient une protection pour cette maison et tous ceux qui y logeraient.
Après deux mois et demi de séjour à Mirleft, il fallut un jour se résoudre à rentrer en France. C’est le coeur en vrac et la gorge serrée que nous avons quitté « notre » maison à l’entrée du village, après avoir fait nos adieux à tous nos amis. Le voyage au Maroc était terminé et un autre épisode de la vie de chacun débutait…

Vingt ans plus tard, je fus invité à dîner dans les environs de Grenoble par un couple sympathique qui cultivait une véritable passion pour les voyages. Entre deux plats, ils évoquèrent le sud du Maroc et son charme particulier. Interpellé, je leur demandai s’ils connaissaient Mirleft.
 » Mirleft? Cela fait trois fois que nous y passons l’hiver' »
Et comme je leur parlai de la maison à l’entrée du village, notre hôtesse se leva en disant, les yeux pétillants de joie : « Attendez, je crois que j’ai une photo qui va vous intéresser ».
Lorsqu’elle revient, elle me tendit cette photo :

Les 12 pierres blanches de Mirleft

 

L’émotion était telle que j’en eu les larmes aux yeux. La maison n’avait pas changé, elle avait été achetée par des anglais qui recevaient beaucoup de voyageurs et d’après notre hôtesse, les murs intérieurs étaient toujours décorés.
Cette photo elle me l’a offerte et, de temps en temps, je prends plaisir à me projeter mentalement sur le toit, au milieu des douze pierres blanches…

© 2009-2016 Patrick Giani – tous droits de reproduction,
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Extrait du livre « O sole mio tome 2
la période hippie des années 70″
de Patrick Giani

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