Ecrit en juin 1994
Un Dimanche de Pentecôte sur l’autoroute. Je m’arrête cinq minutes dans une station service pour boire un café. Là, un homme est assis, seul, immobile, le visage enfoui dans sa casquette.
“Monsieur, vous voulez bien m’avancer vers Barcelone ?” Je le dévisage un instant, puis je lui fais signe de me suivre. Le visage rayonnant, il s’avance vers moi. “Merci beaucoup, monsieur ! J’étais en train de prier pour que quelqu’un me prenne en stop et voilà ! Vous croyez en la prière?”
Je lui réponds par l’affirmative et nous voilà partis. En chemin, on parle de la Foi, du monde malade, de l’astrologie. Avant que l’on se sépare, il sort de sa poche un bout de papier imprimé et me le donne. “C’est pour vous remercier.” En voici le texte :
EN PAIX
« Va en Paix avec toi-même et le monde, et ne te trouble devant rien.
Affronte toute épreuve avec courage et avec patience ; ton calme te conduira à la tranquillité pure.
Tourne ton esprit à l’intérieur et renonce aux liens occasionnels quand ceux-ci te lient à la vie mondaine.
Dompte tes sens et arrête les pensées, afin qu’entre les “si” ne vibre pas l’anxiété.
Supporte l’insupportable, et sans ni sortir de ton chemin, ni l’interrompre,
dirige-toi vers le coeur du diamant ; en celui-ci tu trouveras la Source.
Immerge-toi dans l’eau et tu seras un avec l’Univers.
Tu reconnaîtras l’Impermanent et tu pénétreras l’Eternité ; tu transcenderas le séparé et tu vivras de la chose unique.
Ne tue pas, ne vole pas, ne désire pas, ne mens pas, ne maltraite pas, ne nuis pas, ne trompe pas,
ne convoite pas. Pénètre ces mots et laisse les fendre ton sac.
L’esprit qui danse loin de ce qui l’effraie est maître de tout mais ne saisit rien du tout.
Dans la caresse tu découvres le devenir, dans la carence tu découvres la Présence.
Réveille l’esprit immuable qui est en toi.
Délivre-toi de l’existence conditionnée, et vis au-delà des douze anneaux :
L’ignorance, la volition, la conscience, le nom et la forme, les sens, le contact, la sensation, l’amour, le saisir, l’existence, la naissance, la mort.
Acquiert la désinvolture et le contrôle de l’expérience devant le chemin jamais parcouru.
Deviens UN avec la Terre et le Ciel.
Ne sois pas ta compréhension et ton écoute, et soudainement tu seras toi-même dans ta globalité.
Celui qui résiste, après désiste.
Celui qui pense, après aura l’intuition.
Celui qui a un coeur dur, après s’adoucit.
Laisse-toi être et laisse que toute chose soit.
Ne te contracte pas et tout coulera à travers toi.
Réfléchis et tu seras la spéculation.
Le chemin est aussi simple que l’homme le rend tel.
Sourire et éclore.
Le chemin est aussi dur que l’homme s’inflige de la peine.
Comprends pourquoi.
La paix soit avec toi. »
Sur le papier, nulle signature ; seulement quelques signes cabalistiques.
Si vous avez déjà lu ce texte quelque part, merci d’écrire à Patrick Giani.