Les Noces de Figaro et Jupiter en Lion
Ecrit en décembre 2005
Pour un passionné de Mozart, découvrir une version de l’une de ses œuvres préférées qui l’enchante est une source de joie extraordinaire.
C’est ce qui m’arriva un beau soir d’été 1990 lorsque France Musique eut la bonne idée de retransmettre la version de Hans Rosbaud des Noces de Figaro, enregistrée en 1955 au Festival d’Aix en Provence, avec dans le rôle de la comtesse Teresa Stich-Randall, dans celui de Figaro Rolando Panerai, dans le rôle de Suzanna Rita Streich et dans celui du comte Heinz Rehfuss.
Teresa Stich Randall en 1956
Cette version, enregistrée en public et en mono, n’est pas d’une très bonne qualité sonore, en comparaison avec des versions plus récentes dont la distribution est tout aussi prestigieuse, mais elle a le mérite d’être très enthousiaste, vivace, en un mot elle est authentique. Cela est du, bien sûr, à la qualité vocale d’une Teresa Stich-Randall qui était très jeune à l’époque mais qui interprète son rôle de comtesse à la perfection. Une prononciation irréprochable, un sens de la comédie très palpable et des aigûs parfaitement maîtrisés lui permettent d’être très à l’aise dans certaines prouesses vocales dont Mozart avait le génie. On apprécie également Rolando Panerai, qui roule les «r» avec son accent typiquement italien, scande ses phrases avec beaucoup de dynamisme et joue la comédie avec un sens théâtral affirmé. On est bien loin de ces ténors aux voix pompeuses et sophistiquées, de ces cantatrices aux aigüs qui vrillent le tympan et de leur élocution inintelligible.
Dans cette version, on se sent proche des interprètes car les voix sont telles quelles, sans écho ni réverbération, on les sent aller et venir sur les planches de la scène dont les craquements sont audibles, on les entend taper dans les mains, on devine même leurs mimiques car le public réagit par les rires et les exclamations, bref on vit intensément et joyeusement cette fabuleuse comédie des Noces. Et le public ne s’y trompe pas puisque c’est l’une des versions les plus achetées depuis quelques dizaines d’années.
Alors, vous me direz : pourquoi un tel engouement de ma part ? Et bien parce que cette version a été enregistrée le 20 juillet 1955 dans la cour du théâtre de l’Archevêché d’Aix en Provence. Or, ce soir-là se produisait dans le ciel nocturne une superbe conjonction Mars-Jupiter en Lion, avec la Lune également dans ce signe (heure locale: 21h30).
Et lorsque France Musique a retransmis cette version en juillet 1991, la même conjonction Mars-Jupiter tronaît dans le Lion ! Comme ce signe est réputé pour son sens de la mise en scène et la qualité de ses talents artistiques, on comprend mieux pourquoi cette version des Noces est l’une des plus écoutées. A Mars le dynamisme et à Jupiter les honneurs! En effet, on sent bien qu’il se passe beaucoup de choses sur scène : il y a de la passion, c’est clair, et ce n’est pas uniquement du aux textes du livret original ni à la chaleur de ces nuits d’été. Après avoir récemment acheté le double CD (qui a remplacé avec bonheur la version enregistrée sur cassette audio que j’avais depuis ce temps-là), j’ai donc lu les commentaires de Gabriel Dussurget à propos de ces prestations au Festival d’Aix en Provence. Et voici ce que j’y ai trouvé :
« Bien entendu, cela n’alla pas sans quelques difficultés et il y eut des disputes, ce qui n’empêchait pas cependant que l’on s’amusait beaucoup. Certains chanteurs étaient aussi de joyeux farceurs et n’hésitaient pas, en scène, à faire des blagues de plus ou moins bon goût, ce qui, pour finir, amusait tout le monde! Il y eut, par exemple, ce camembert épluché que Panerai glissa dans la poche du Comte pendant les Noces et qui empesta la scène jusqu’à la fin de l’acte 1 Ou encore cet oeuf dur sans sa coquille qu’à la faveur de l’obscurité Teresa Berganza plaça dans les mains de la Comtesse au dernier acte des Noces: on imagine volontiers l’embarras de Stich-Randall ! Mais la qualité vocale et la qualité musicale, elles, étaient toujours prises au sérieux. »
Et l’on s’en rend compte dans le dernier acte, lorsque tous les interprètes se retrouvent pour la scène finale, où tout le monde demande pardon pour toutes ces infidélités amoureuses et se réconcilie : on y sent une atmosphère chaleureuse, enjouée et finalement très romantique, qui transparaît dans chacune des voix. L’amour est là, il est présent, il est palpable. Et c’est probablement ce qu’avait voulu faire passer le génial Amadeus lorsqu’il a composé ses fabuleuses Noces de Figaro… pour notre plus grand bonheur.
Le coffret en question de 5 CD (avec
Don Giovanni en prime mais pas en public)
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